Saint-Rémi



Mail Albert 1er
de la rue de la République à la rue des Otages
ou du boulevard Maignan Larivière au boulevard de Belfort
(délibération du 29 décembre 1937).
Le Mail, boulevard du Mail

La place Longueville se trouve sur la droite de la carte.
(Coll. D. Latreille)

Messieurs, il y avait une fois un petit pays bien heureux, on aurait pu le nommer le royaume de la paix, le royaume du travail fécond; ce pays était si petit que les nations voisines avaient reconnu sa neutralité; il n'avait qu'une toute petite armée de parade, armée si petite qu'elle amenait le sourire sur les lèvres d'un empereur commandant une armée colossale.

Or, il arriva que le puissant empereur, qui voulait détruire la France, imagina un plan de campagne génial : au mépris des traités qu'il avait signés, des promesses solennelles qu'il avait réitérées, il envahit le minuscule pays neutre, croyant le traverser en une seule journée pour attaquer ensuite la France à revers.

Mais le petit pays avait des habitants fiers, jaloux de leur honneur, de leur liberté et, à leur tête, se trouvait un roi d'une simplicité charmante, avec l'âme d'un héros, le coeur d'un homme juste, l'esprit d'une droiture absolue.

Non seulement le roi protesta auprès de toutes les chancelleries contre des prétentions barbares, mais il alla, avec sa troupe, lutter contre l'envahisseur. Il assista au martyr de son pays par les barbares : villes incendiées après avoir été pillées, milliers de femmes, d'enfants et de vieillards fusillés, les plus beaux monuments anéantis, les bibliothèques saccagées, les musées vidés. Tous ces crimes, destinés à démoraliser les défenseurs, ne peuvent abattre le courage des soldats du vaillant État neutre; ces soldats, au nombre de 50.000, luttent contre une armée de 500.000 hommes bien outillés ; ils reculent certes, défendant les places avec une rare énergie qui leur procure l'admiration universelle et amène à leur secours les Français et les Anglais

La horde barbare a mis quinze jours à traverser le petit pays, sans pouvoir détruire l'infime mais héroïque armée ; cette horde est arrêtée en France et le colossal barbare, malgré sa force, sa haine, son mépris ironique pour les petites armées, s'entend dire partout : on ne passe pas.

La lutte gigantesque dura 4 ans et se termina par la défaite du cruel empereur qui dut même s'enfuir, s'expatrier, perdant ainsi sa couronne.

Cette lutte gigantesque ne fut rendue possible, dès le début, que par le sacrifice de la brave petite armée du pays neutre, dont le roi soldat incarnait le dévouement et l'honneur ; ce roi soldat porte dans l'histoire le nom de "Roi Chevalier", tout comme François 1er ; il a les mêmes vertus de loyauté et de bravoure que les chevaliers du Moyen-âge et l'on peut, sans crainte, lui décerner le même qualificatif qu'à notre immortel Bayard ; le roi soldat du petit pays neutre fut lui aussi "sans peur et sans reproche".

Messieurs, ce que je viens de vous narrer si succinctement n'est pas un conte ; vous avez bien deviné qu'il s'agit d'une histoire vraie, dont le héros, presque légendaire, est Albert 1er, roi des Belges.

Aussi, votre 4e Commission a accueilli favorablement le désir exprimé par Mme Monnoyer et M. Cogneaux, présidente et vice-président de la Société : l'Amitié franco-wallone, tendant à perpétuer, à Amiens, le souvenir d'Albert 1er dont le nom désignerait l'une de nos artères.

Ce désir, a pour but de resserrer la longue et sincère amitié qui unit le peuple français et le peuple belge. Le choix de votre Commission s'est porté sur le bouleverd du Mail, dont le nom sera modifié. Il m'est arrivé de causer du changement proposé à deux membres de nos associations académiques qui, tous deux ont exprimé leur désapprobation de voir disparaître le vieux nom d'un de nos boulevards ; mais, quand je leur eus expliqué que la Commission tenait à conserver l'essentiel de l'ancien nom, j'ai vu un léger sourire effleurer la physionomie de mes interlocuteurs.

Nous proposons donc que le nom du boulevard du Mail devienne Mail Albert 1er et, comme il nous paraît intéressant d'associer le roi à son peuple, nous dirons : Mail Albert 1er, roi des Belges.

(Source : Arch. municipales d'Amiens).

Voir aussi : place Longueville



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